Valparaiso du 13 au 17 mars 2019.
Valparaiso, aussi nommée « Valpo » par ses résidents, est sans doute la ville la plus connue, la plus mythique et la plus touristique du Chili.
Dans notre imaginaire, « Valpo » est la ville des pirates, la ville des aventuriers, la ville de toutes les folies et de tous les vices. Vous vous rappelez ? Le capitaine Haddock chantait « et nous irons à Valparaiso, Good-bye, farewell, good-bye, farewell ». Et bien nous y voilà !

Avec l’indépendance du Chili et la nouvelle liberté de commerce au XIX ème siècle, Valparaiso devint l’un des ports les plus importants de la côte pacifique de l’Amérique et un des stops indispensables de tous les Européens souhaitant participer à la ruée vers l’or sur la côte Ouest des Etats-Unis. La ville devint prospère. Tout cela cessa quand le canal du Panama fut achevé en 1914, faisant de cette halte incontournable, un port bien secondaire. Oui à part ceux qui voulaient se faire un détour de plusieurs mois, par le cap Horn, en pleine tempête… Autant dire, ils étaient peu nombreux.
Une longue période de paupérisation s’en suivit et c’est un peu ce que nous avons constaté. Vous allez mieux comprendre quand vous verrez les photos de notre quartier. Toutefois, le classement d’une partie du centre ancien de « Valpo », au patrimoine mondial de l’UNESCO, semble redonner une deuxième jeunesse à cette ville d’étudiants et d’artistes.

L’agglomération est aussi le premier port du Chili ; c’est la porte d’entrée à la capitale Santiago. Tiens, ça me parle ! Une sorte de Paris-Le Havre à la Chilienne.

Le trajet Santiago-Valparaiso a été plus que rapide (deux petites heures). A peine installés dans le bus, nous entamons la conversion avec nos voisins. Deux bretons, Sarah et Louis, partis faire un petit tour d’Amérique du Sud pendant quelques mois ! Voilà seulement deux jours qu’ils ont débarqué sur le continent. Leur périple ne fait que commencer. Ah ces Bretons, ils sont vraiment partout !
Alors, quand nous débarquons dans la gare animée de « Valpo », nous pensions savoir à peu près à quoi nous attendre. En fait, en voyage, on n’est jamais à l’abri des surprises ; et cette ville nous a surpris sur bien des plans.

L’hôtel hanté !
Le taxi que nous avons pris à la gare nous dépose devant notre hôtel un peu avant l’horaire prévu avec l’hôtelier. Sur « Booking », ça ressemblait à un hôtel classique mais en arrivant devant, ça se complique. Le taxi nous dit de faire très attention à nos sacs en sortant de son véhicule.
Une porte fermée sans indication, pas de nom sur la sonnette et personne qui répond. En attendant l’arrivée du gérant, que je finis par contacter par téléphone, nous avons l’occasion d’observer le quartier. Un vrai décor de cinéma. La rue est bordée de vieilles bâtisses dont les heures de gloire remontent manifestement au siècle précédent. Vous vous rappelez de ma petite histoire sur la canal de Panama et la période de paupérisation qui s’en suivi ? Et bien voilà, on y est…
Certaines constructions ont carrément l’air abandonné : ambiance. Enfin, la porte de « l’hôtel » s’ouvre. Notre logeur est russe, et là, il a surtout l’air de se réveiller. Il est 13h30 quand même ! Il nous fait faire le tour du propriétaire. L’immeuble est immense. Notre chambre est chouette, elle donne sur la rue.
Il n’y a que 3 chambres vraiment refaites dans cet hôtel qui ressemble plus à une « coloc ». D’ailleurs la co-gérante est dans le salon en chemise de nuit en train de prendre son petit-déj. Par contre, au-dessus du second étage qui est abandonné, nous découvrons le toit-terrasse qui nous offre une vue incroyable sur la ville et son port.

C’est l’heure de la cantine !
Cette fois, coup de chance, en ressortant de l’hôtel, affamés comme il se doit, on tombe sur un resto avec une énorme terrasse qui propose un menu pas cher et délicieux.

Bingo, ça devient notre cantine et même notre salle de réception. Petite détail, la vue donne sur un magnifique bâtiment complètement abandonné. On est vraiment dans un monde parallèle.

Très vite, nous avons compris que « Valpo » était une ville à part pour le Chili et dans notre Tour du Monde
Une fois sustentés, nous partons à la découverte de la ville. Nous ne commençons pas par le quartier touristique mais par la colline la plus proche de la place de l’hôtel de ville. C’est parti pour une petite balade dans les nombreux escaliers sinueux de la ville. Certes, les fresques sont nombreuses et certaines sont vraiment belles. Mais pour ma part, je suis vraiment déçue de ce que je découvre ; l’endroit est très très sale et nous déambulons dans des odeurs de poubelles, d’urine et d’excréments de chien. François est beaucoup moins allergique à tout cela et apprécie beaucoup plus le lieu.

Comme dans le quartier de notre hôtel, beaucoup de bâtisses sont abandonnées ou en très mauvais état. On marche relativement vite, l’endroit nous semble moyennement sûr. François, quant à lui, est séduit par l’esthétisme du lieu. La bonne nouvelle de l’après-midi est que nous découvrons un petit café qui sert du vrai café, colombien en plus ! Ca dilue un peu ma déception.
Nous nous dirigeons, en fin d’après-midi, vers le port. On n’y est pas vraiment dépaysés car d’énormes porte-conteneurs y sont « garés ». (On a un ami dont le boulot est de garer ces mêmes gros bateaux dans le port du Havre et on peut vous dire que c’est pas un métier facile !). Même si le port a perdu de son importance au fil des décennies, on profite quand même de ce bord de mer industriel qui évidemment nous fait penser au Havre.

Le soir, Sarah et Louis nous rejoignent dans notre restaurant. Ils nous racontent leur journée. En voulant s’aventurer au Nord de la ville, des riverains sont venus les interpeller pour qu’ils fassent demi-tour. L’endroit était à priori trop dangereux pour les touristes. Nous entendront plusieurs récits de ce type et nous redoublerons de prudence durant tout notre séjour dans la ville des pirates.

Pour se consoler, on s’achète un énorme plat de délicieuses « empanadas » ; ce n’est pas à Valparaiso qu’on va maigrir à priori. Les prix sont vraiment dérisoires par rapport à ce que nous avons connu en Patagonie. On est étonnés du rapport qualité/prix. Le restaurant, nous offre même un « pisco » en apéritif. On vous en reparlera de ce « pisco ». Il s’agit d’un apéritif local qui reste une boisson de haute lutte entre Chiliens et Péruviens qui considèrent faire le meilleur cocktail que le voisin. Bon, nous on aime bien les deux ;).
Rentrés au bercail pas trop tard, à la nuit tombée, la « Plaza Echaurren », sur laquelle donne notre fenêtre, semble petit à petit devenir une zone peu propice à une balade digestive sereine. Des cris, des trafics ça et là, des zombies ; je dois bien dire que nous ne dormirons pas sur nos deux oreilles avec tous ces bruits bizarres.

Une première randonnée à base d’escaliers.
Le lendemain, nous passons la journée à déambuler dans cette étrange ville faites d’escaliers et de vieux funiculaires, réhabilités en véritables attractions touristiques. Sa splendeur d’antan ne s’est pas évanouie, mais toutes les ruines qui occupent le quartier du port lui donne un côté : « décors de cinéma ». On ne s’en lasse pas. Ce quartier du port, où nous habitons, possède un potentiel énorme… Depuis son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO, les investisseurs semblent se positionner. Mais en 2019, il y a encore beaucoup de travail…

Formant un immense amphithéâtre avec une vue extraordinaire sur le centre-ville et la mer, les cerros (collines) de Valparaiso se sont peuplées au fil du temps. La ville s’est ainsi construite à flan de colline sur près de 42 « cerros ». A Valparaiso, il semble y avoir une règle pour les touristes : « plus vous montez, plus vous êtes en danger »… Ca vaut ce que ça vaut… C’est un conseil, si vous souhaitez visiter « la perle du Pacifique ». Voici un autre petit surnom donné à « Valpo ».

Pour les touristes, il est conseillé de visiter en priorité les cerros de « Alegre », « Conception » ou encore de « Bellavista ». Je vous avoue que tous ces quartiers s’enchevêtrent et il suffit parfois de passer une rue pour se rendre compte que l’on a changé d’ambiance. Il est important de ne pas partir la fleur au fusil, pour ne pas se perdre là où votre sécurité serait mise à mal. En restant dans les bons quartiers, vous n’aurez à priori aucun problème.

Laisse sonner ! Ca doit être un ivrogne !
Au soir de ces deux premières journées à se faire les cuisses dans les escaliers de la ville, je savais que mon cousin Charles devait plus ou moins arriver le lendemain avec sa copine Julie. Je lui avais donné le nom de notre hôtel, sans savoir où il comptait loger. Alors quand à six heures du matin, je suis réveillée par la sonnerie persistante de l’auberge, je ne fais pas tout de suite le lien. De toute façon, c’est au gérant de gérer. Non ? Et bah non…

Je me rendors presque mais la sonnerie ne s’arrête pas. François, à moitié endormi, me balance d’un air aimable : « Laisse tomber, tu as vu tous les ivrognes qu’il y a dans la rue ? ». Mais n’écoutant que mon courage, je finis par descendre pour ouvrir. Et je tombe sur qui ? Sur Charles et Julie ! A peine arrivés d’un éreintant voyage et seuls dans ce quartier malfamé. Après quinze ans sans s’être vus, les retrouvailles avec mon petit cousin ne manquent pas de piment.
Julie et Charles s’installent sur le canapé du salon pour finir leur nuit. Pas de trace du gérant ; on fait comme chez nous.

Le lendemain matin, les deux tourtereaux nous avouerons que leur taxi ne voulait pas les déposer dans le quartier sans avoir la certitude qu’ils puissent être accueillis dans leur hôtel. Trop dangereux… Hors, je vous rappelle que notre hôtel n’a pas de devanture ou de panneaux officiel… Ils ont dû insister pour pouvoir descendre de leur taxi et patienter de longues minutes dans ce quartier de débauche. Notre logeur russe nous avouera s’être battu à plusieurs reprises dans ces rues de « Valpo »…

Le Tour marchant gratuit !
Pour le lendemain, Charles et Julie ont trouvé un tour en français qui a l’air pas mal. Il est proposé par « Val’Otop ». Nous avons donc rendez-vous à 15h30 sur une des places principales, la Place Sotomayor.

Juan nous y attend. Nous sommes une dizaine à participer à cette balade de 3 heures. Et c’est donc dans un français impeccable que notre guide nous parle de sa ville mais aussi de son pays. Les Mapuches, la dictature du Général Pinochet, l’histoire de Valparaiso, l’art, le pisco, les sujets abordés sont nombreux.

C’est son point de vue, mais il nous délivre un message parfois peu reluisant de la santé de la société chilienne, qui subit un capitalisme américanisée violent : mal bouffe, privatisation des services publics… Bon tout cela ne fait que confirmer ce qui nous voyions depuis plusieurs jours (cf. article sur Santiago).

Nous passons du port au quartier touristique, après être montés dans un ascenseur vieux de 100 ans. Nous déambulons ensuite entre les fresques ; Juan est lui même artiste. Il nous explique les dessous de l’activité artistique locale ; qui reste un bon moyen d’exprimer sa détresse, ses envies ou encore ses convictions. Avec François, nous sommes pas des inconditionnels des visites guidées, mais force est d’admettre que celle là était vraiment intéressante.
Après cette visite, François et moi prenons un moment pour nous rendre à la gare pour acheter les billets du bus Valparaiso-Mendoza. L’occasion de traverser un quartier plus neuf, occupé par un marché géant. Ca nous a permis de voir les « Valparaisiens », même s’il faut le dire, sortis du quartier touristique, nous nous sommes vite sentis moins à l’aise.
Le soir, on emmène une nouvelle fois Julie et Charles dans notre restaurant. On passe un bon moment en dégustant des « piscos ». Décidément ce concept de la cousinade au bout du monde, ça me plaît bien. Pour rappel, nous avions déjà retrouvé un autre de mes cousins en Indonésie, il y a plusieurs mois de ça….
Dernière journée en bonne compagnie.
Pour ce dernier dimanche à Valparaiso, nous refaisons un peu le même parcours que la veille, en flânant, tout en ne s’éloignant pas trop des secteurs touristiques.

Charles en profitera pour ce faire une coupe bien rase et nous autre ferons les magasins comme des bons vieux touristes, qui ont au final adoré ce passage à « Valpo » pour pleins de raisons.

En fin d’après-midi, nous tentons une dernière petite balade du côté du « Paseo 21 de Mayo ». Il s’agit d’un joli point de vue sur toute la rade de Valparaiso, qui vous permet d’admirer Valparaiso, mais aussi la ville chic de Vina del Mar ou encore le secteur de Concon. C’est dimanche, il y a plein de monde ; tout cela est plutôt rassurant.

Le soir, c’est notre dernière soirée tous les quatre. Nous décidons de la passer à l’hôtel en dégustant de bons petits « completos », ou plutôt des « maxi-completos ». Soyons fou. Mais avant cela, nous prenons l’apéritif sur le toit de l’hôtel. Le panorama est vraiment génial. François et Julie décident même d’aller sur un point de vue à 500 m de l’hôtel pour prendre une photo de Charles et moi sur le toit. En voilà un beau souvenir de ces retrouvailles improbables !


Durant cette dernière soirée, Charles, qui sympathiserait avec un mur, échange avec notre logeur russe. Il apprendra qu’il s’agit d’un ancien joueur de foot professionnel du club russe de FK Krasnodar (de mémoire)… Nous profitons à fond de notre toit-terrasse et nous nous rendons compte, en fait, que nous vivons dans une immense maison, dont les 3/4 sont encore à l’abandon…
Après cette soirée passée dans cet hôtel improbable, et sans doute hanté par les fantômes d’une riche famille de pirates ayant fait fortune dans le rhum, nous allons nous coucher pour notre dernière nuit chilienne. Ces quatre jours à Valparaiso furent décidément très intenses et inoubliables à plusieurs titres…

EBM et FD