Ancud et Castro, du 16 au 23 février 2019.
Un peu de culture générale,
Cette île de Chiloé est un peu atypique en Amérique du Sud et mérite quelques mises au point pour que vous compreniez bien la suite.
La Grande Chiloé (puisqu’il s’agit en fait d’un petit archipel) est la deuxième plus grande île du continent sud-américain. La plus grande étant, pour ceux qui suivent toujours, la Terre de Feu. Les Chiliotes sont très attachés à leur île, baignée de nombreuses croyances et d’une ribambelle de personnages fantastiques, qui vous suivent durant tout votre voyage chiliote.

L’île concentre davantage le tourisme local, car les touristes européens sont plus attirés par les grandes attractions offertes par la Patagonie continentale. Oui, l’île Chiloé, c’est la Patagonie insulaire.
De plus, depuis 2000, 16 églises en bois ont été classées au patrimoine mondial de l’UNESCO ; ce qui a permis à l’île d’exister un peu plus ; ses habitants étant si loin de tout… Cette île est également un important lieu de pêche, et on y construit encore des bateaux en bois pour la pêche et le transport.

Ainsi, les habitants semblent donc être Chiliotes bien avant d’être Chiliens. C’est du moins notre impression…

Ancud,
C’est ainsi que le 16 février, nous arrivons à Ancud après un minuscule trajet de 3 h depuis Puerto Varas ; ce qui est peu dans cette partie du monde. Et oui, maintenant, on considère qu’un trajet est long quand il dépasse les 10 heures. Nos représentations temporelles ont bien évolué depuis notre départ de France. Et puis, on a le temps après tout…

La gare d’Ancud est petite et calme. Nous décidons d’aller à pied jusqu’à notre chambre d’hôte. Seulement voilà, nous n’avions pas pris en compte le relief de la ville qui est très… en relief. Il faut dire que nos sacs sont de plus en plus remplis de souvenirs en tout genre… Déjà à bout de souffle au milieu du chemin, nous décidons de nous arrêter pour manger.

Au dessus du marché à souvenirs, nous trouvons un restaurant touristique ; en lisant le menu, nous comprenons que l’île a ses propres spécialités, à base de fruits de mer, de poissons, évidemment, mais aussi de beurre, de crème et tout un tas de choses un peu grasses. François retrouve un « zeste » de cuisine normande ; ce qui n’est pas pour lui déplaire. C’est donc alourdis et en nage que nous arrivons à notre point de chute.

Notre logeuse est adorable. Elle nous montre sa grande terrasse vue mer. Même si la chambre est très basique, on se sent bien dans cette petite maison. Nous partons découvrir la petite ville.

Ses maisons colorées en bois nous font penser à Terre-Neuve, au Canada. Ici, c’est le « Nouveau Monde ».

La côte offre un spectacle magnifique. D’ailleurs nous ne tardons pas à nous diriger vers la mer pour une petite balade vivifiante. Parce qu’on a beau être au mois de février (l’équivalent de notre mois d’août), la température ne monte jamais bien haut ici.
En ce premier soir de visite, nous voyons que les petites plages d’Ancud ressemblent parfois à de vrais cendriers/poubelles… Pour passer le temps, je commence à ramasser mégots et déchets, rapidement, derrière moi, sur le ponton, s’amassent quelques Chiliens intrigués par mes agissements… Drôle de scène…


Le centre-ville est regroupé autour d’une petite place. Nous avons de la chance car pendant notre séjour, elle est particulièrement animée du fait d’un petit festival qui s’anime toute la journée.

Après notre séjour à Bariloche et Puerto Varas, deux stations touristiques, on est heureux de pouvoir observer la « vraie vie ». Dès le premier soir, nous faisons une découverte capitale. Dans le centre, une petite cour intérieure abrite des petits restaurants familiaux, proposant des plats faits maison. On décide de tester celui qui a l’air le plus familial et bingo, on y mangera à tous les repas !

Eloge de la frustation,
Le lendemain, nous nous lançons dans une petite escapade pour aller voir des pingouins (François me dit qu’il s’agit de manchots de Magellan) !!! Direction la plage de la « Pingüineras de Puñihuil », située à 25 km de là. « Petite plage de pêcheurs où il est possible de se faire emmener, par des pêcheurs, en mer « , qu’ils disaient dans le Lonely Planet.
Une nouvelle fois, nous évitons les agences de voyage, puisque nous souhaitons aller voir ces manchots sans l’aide de personne. Pour y aller, nous trouvons finalement la gare routière, ou plutôt le hangar, où se garent les bus. Comme souvent en Amérique du Sud, le bus ne part que lorsqu’il est plein. Pas pratique quand on a un emploi du temps serré, mais plutôt pas mal en terme d’écologie.

Quoi qu’il en soit, ces longues attentes sont bonnes pour le commerce local car les vendeurs se succèdent. C’est ainsi que le boucher du coin, vêtu d’une tenue d’un blanc irréprochable, passe avec un énorme plat de magnifiques « empanadas ». Il n’est que 10 h du matin, mais on se laisse tenter… un an après j’en ai encore l’eau à la bouche.

Le bus finit par démarrer. Une heure après il nous dépose à l’entrée d’une immense plage. Et là c’est le drame ! Parce que la petite plage typique des guides est en fait littéralement envahie de bus, de 4×4 et de bateaux de tourisme. Les touristes attendent par dizaines, en file indienne et avec des gilets de sauvetages, pour embarquer dans des bateaux qui n’ont absolument rien de typiques. Diantre ! On s’est fait « eu ». Nous on voulait jouer aux aventuriers, pas à la queue leuleu.
A peine débarqués, une horde de « marins » nous abordent sur la plage pour nous vendre un tour mais nous passons notre chemin. On décide de s’écarter un peu de cette foule pour reprendre notre souffle et après on voit. Nous traversons donc la plage à pied, devenue une véritable autoroute, pour atteindre le début d’un chemin d’une petite promenade le long de la côte. Avant d’aller marcher un peu, nous décidons de pique-niquer (pas besoin de préciser le menu, c’est toujours le même).

Le va-et-vient des bateaux est impressionnant mais il ne gâche pas totalement la beauté de cette immense plage de sable. Très vite nous décidons de ne pas faire de petit tour de bateau car nous constatons que les marins s’approchent vraiment trop près des pauvres petits pingouins (oui, des manchots pardon). Postés dans une petite crique, ils semblent encerclés. Nous sommes atterrés et tristes, car sans être des spécialistes de la vie marine, il nous semble évident que cette agitation ne doit pas être bonne pour eux.

On ne se laisse pas abattre et parcourons le sentier qui permet de voir la plage en hauteur. Comme il faut monter des escaliers et qu’il faut marcher, il y a tout de suite moins de monde. Tant mieux pour nous !

Avec nos jumelles, nous apercevons les pingouins (les manchots Magellan), assaillis, sans relâche, par les bateaux de touristes. Les passagers se bousculent pour prendre la plus belle (ou plus instagrammable) photo. Nous les voyons de loin certes, mais en grands philosophes que nous sommes, nous décidons qu’il est surement possible d’avoir une vie réussie et heureuse sans avoir jamais vu de pingouins d’aussi près. En gros, on se dit que la frustration ne tue pas, surtout quand elle a des vertus écologiques.

Même si le bus ne repasse qu’à 17 h, la journée passe au final très vite, mais nous ne repartons pas sans un peu d’amertume d’avoir, une fois de plus, assisté à des pratiques qui nous affolent et nous inquiètent. Ces mois de voyage ont, comme qui dirait, éveillé un peu plus notre conscience.
La vie à Ancud,
La dernière journée à Ancud est très calme ; le temps est humide et froid et c’est à une autre ambiance que nous goûtons. Nous visitons le marché couvert. Les étales sont pleins de produits inconnus et de pomme de terres étranges.

J’achète un paquet de « Merken », une épice locale fumée, très forte en odeur. C’est un élément traditionnel de la cuisine mapuche (cf. article précédent) au Chili. Mon sac a senti le feu de cheminée pendant les mois qui ont suivi (on vous racontera ça bientôt).

Nous avons profité de ce dernier soir pour manger le plat typique de la région, le « Curanto ». Il s’agit d’un filet (en plastique) dans lequel on met tout un tas de choses : des moules, du poissons, du lard, des pommes de terres, des galettes de maïs, le tout cuit à la vapeur. C’est un peu lourd cette affaire, mais il fallait bien le tenter.

Puis nous rentrons frigorifiés par le vent, tristes de ne plus revoir les serveuses de notre cantine. Demain, on change d’ambiance. Direction la capitale !
A Castro, y a tout ce qu’il faut !
Il ne nous faut que trois petites heures pour traverser la moitié de l’île, du Nord au Sud, et atteindre la principale ville, la capitale, répondant au doux nom de « Castro ». Les maisons sont ici toutes en bois, la plupart des voitures sont du style gros 4X4, on sent que le climat doit être rude ici l’hiver ; sans parler des très nombreux chiens errants qui peuplent les rues.

Nous atteignons sans problème notre logis pour les 4 nuits à venir. L’endroit est coquet et l’accueil fort chaleureux. Nous partons rapidement chercher un lieu où nous sustenter et difficile de trouver un endroit qui ne propose pas une nourriture trop grasse et lourde. Nous échouons, affamés, dans un restaurant touristique très moyen. François a eu le malheur d’entrevoir la cuisine en allant se laver les mains, il en revient tout retourné. C’est une règle de base, en général, le premier repas dans une nouvelle ville est souvent le moins bon.
Nous nous promenons dans la ville et goûtons à son charme différent de celui d’Ancud. Ici, une partie des bâtisses est sur pilotis, on les appelle les « palafitos ». La mer se retire souvent très loin au rythme des marées. Nous nous y promenons à plusieurs reprises, c’est beau, ça ressemble à la Bretagne.


Nous nous perdons dans l’immense marché des souvenirs couvert. Les deux premiers jours, nous arpentons la ville avec plaisir. Pour manger, on a trouvé un autre marché couvert dont l’étage est occupé de plein de petits restaurants qui proposent des plats faits maison.

On y mange tous les midis avec les gens du coin et ça, c’est vraiment cool. L’église en bois de la ville enchante François et moi je ne peux m’empêcher de penser à Tréguier, la ville où j’ai grandi en regardant le paysage côtier.


Comme on a eu du temps, on a visité également le cimetière de la ville, en étages, la configuration typique en Amérique du Sud.
Nous avons même fait un petit saut à la bibliothèque. Une bibliothèque avec vue sur mer et feu dans la cheminée au centre de la pièce. La plus chouette bibliothèque que j’ai pu voir. On y a même retrouvé une thèse d’un Français, rédigée sur les habitants de cette île si envoûtante. La preuve qu’il y a pleins de choses à en dire. Car, il faut bien l’avouer, au premier abord, elle semble un peu triste et morose. La vie paraît rude et la météo n’est guère enthousiasmante. Mais cette impression, nous ne l’avons eu que 24 h. Et quand fut venue l’heure de repartir, c’est nous qui étions tristes et moroses…

Une petite sortie… de trop !
Sur les conseils de notre logeur, nous nous préparons une petite excursion dans le parc privé Tepuhueico pour voir la célèbre « muellas de las almas » (une sorte de passerelle endiablée ;)), il parait que la vue y est belle. Ca c’était le projet initial mais dans la vie, tout ne se passe pas toujours comme prévu.
Nous commençons donc par rejoindre classiquement la gare routière. Dans le minibus, que des touristes. C’est donc parti pour les 65 km qui nous sépare de notre objectif. Nous nous doutions que le trajet serait un tantinet long ; nous étions donc partis très tôt. Mais là, on doit bien le dire, ça nous a semblé interminable : près de 3 heures, changement de bus inclus, secoués dans tous les sens pour faire 65 petits kilomètres seulement.

Lorsqu’on arrive, le chauffeur nous donne deux heures pour faire la promenade de 5 km et profiter des lieux. C’est donc parti pour une balade fort agréable. Le nombre des marcheurs nous semblent quand même un peu trop élevé, mais la foule se disperse peu à peu.

Mais c’est en arrivant au bout du sentier que les choses se sont compliquées. En effet, le point de vue donnant sur la mer est encombrée d’une plateforme en bois, visiblement destinée à prendre des photos. Et au pied de cette plateforme, une file d’attente longue comme la grande muraille de Chine. On a compté, il y avait une heure et demi d’attente.


On décide de s’installer de cette mascarade pour pique-niquer en profitant de la vue et des oiseaux, qui font des piquets dans les aires en se disant que ça aurait été dommage d’occuper les deux heures que nous avons sur place à faire la queue pour une simple photo. D’autant plus dommage, qu’après avoir regardé sur « instagram », nous n’avons toujours pas compris un tel enthousiasme.
Un peu déçus de l’ambiance « parc d’attraction » de l’endroit, nous rejoignons donc le bus qui devait partir à 13 heures, mais qui au final partira bien plus tard pour attendre tous ceux qui avait attendu pour prendre leur photo sur la fameuse passerelle. RRRRR

Même si nos sorties touristiques ont un peu été ternies, il faut dire que cette île nous a envoutés, au point qu’on a eu du mal à en repartir. A Chiloé, on y vient avant tout pour les Chiliotes, pour leurs traditions, leur cuisine et leur culture.
Mais il faut bien se résoudre à partir, car une longue route nous attend pour rejoindre notre futur bénévolat. Au programme, une orgie de fraises bio !
EBM et FD